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La complicité du corps et du mental : la psychosomatique

Par Paule Mongeau, M. Ps., psychologue

 

Tout événement, aussi bénin soit-il, modifie la chimie, la structure et les fonctions des neurones du cerveau. S’installent des chemins de mémoire à court et long terme qui deviennent des façons de réagir. C’est pratique de ne pas avoir à réapprendre à jouer du piano à chaque jour, on peut alors progresser de jour en jour. 

De nombreux chercheurs tentent de comprendre ces mécanismes et les fonctions d’apprentissages du cerveau. Mais allons tout de suite au sujet qui nous intéresse : à la suite d’événements très perturbateurs dans le passé, si on a développé une série d’habitudes qui ont créé une réaction fibromyalgique et sa litanie de symptômes subséquents, peut-on modifier les circuits de réponse qui entretiennent la chronicité de la maladie ?    

 

C’est naturel et normal

Tout d’abord, soulignons que certaines fonctions réactionnelles sont naturelles. Par exemple, imaginez-vous mordre dans un quartier de citron et vos glandes salivaires réagiront immédiatement en stimulant la salivation dans votre bouche. La partie autonome du système nerveux est involontaire, indépendante de l’apprentissage ; elle va réagir en fonction du milieu, de sa perception sensorielle du milieu, afin de préserver la survie de l’individu. Si on entend un bruit fort, on sursaute... puis on reconnait l’émotion de peur… puis on la nomme.

Même si on ne veut pas de mal à un animal sauvage, il se méfiera de nous, de l’inconnu… à moins que l’animal ait été apprivoisé. Ainsi d’autres réactions sont apprises, conditionnées. Car dans un milieu différent, certains comportements sont mieux acceptés que d’autres si on ne veut pas être rejeté et mourir. L’enfant comprend cela très vite et s’adapte à sa famille.

Outre les stimulations sensorielles et le développement des fonctions corporelles et intellectuelles (marcher, parler, faire du vélo, lire, planifier, etc.), le vécu émotionnel (déceptions, sentiments de trahison ou de culpabilité, les peines, les colères et tant d’autres) modifie constamment les circuits neuronaux. Ces réactions s’expriment donc, la plupart du temps, selon un mode appris très jeune.

La réaction fibromyalgique

Si la pharmacologie ne propose pas de solution efficace à la fibromyalgie, se peut-il que cette maladie soit de l’ordre psychosomatique, tel que le suggèrent certains médecins ? Psycho-soma-tique est un mot qui nomme simplement le lien de la triade corps / esprit / émotion présent dans de nombreuses réactions physiques et psychologiques.

En quoi la fibromyalgie tient-elle de cette triade ?

À cause d’événements anormaux, non sécurisants, peut-être le système nerveux d’un enfant est demeuré tendu, figé, l’enfant incapable de mettre des mots sur ses difficultés, ne sachant même pas où et comment demander de l’aide, ou même qu’il y a droit.

Peut-être cette tension a d’abord pris naissance dans une partie du corps puis s’est étendue avec les années, les décennies, à l’ensemble du corps. Peut-être l’enfant a réagi du mieux qu’il le pouvait, mais il ne savait toujours pas quoi faire pour se détendre, se reposer et avoir du plaisir. Cet enfant a grandi avec des sentiments d’incompréhension, d’impuissance, avec la peur de la mort, oui, car de façon subconsciente, pour un petit mammifère, être seul c’est être en danger.

Peut-être n’y avait-il pas d’adultes disponibles au moment où cet enfant en a eu besoin tout jeune (vie fœtale, naissance, petite enfance, etc.) pour le sécuriser et l’instruire, lui montrer le chemin de douceur nécessaire aux apprentissages de base, particulièrement ceux reliés aux émotions.

Toutefois, la bonne nouvelle, c’est que cet individu a monopolisé ses propres forces pour survivre. Il s’est construit un havre de paix, des relations, des compétences dont il peut être fier. Des bases solides pour garantir, du mieux qu’on le peut, sa survie et celle des gens qu’il aime.

Mais son cerveau ne le sait pas encore. Il doute jusque même parfois de son droit à l’existence. Il doit faire beaucoup de choses sans relâche pour prouver sa valeur et faire sa place. Enfin, c’est ce qu’il croit car il n’a connu que cela.

Peut-on modifier la réaction fibromyalgique ?

Les réactions conditionnées de l’enfance ont été efficace pour faire face à certains manques de l’enfance et l‘effort de survie a bien réussi son travail réflexe car la vie a été assurée. Mais dans les circonstances nouvelles, les habitudes apprises ne sont pas toujours adéquates et pertinentes. Le stress maintenu, l’hypervigilance et l’hyperactivité suscitent des troubles de fonctions naturelles comme le sommeil et la digestion. Puis des problèmes de locomotion et de réflexion.

Par où débuter la réadaptation ? Car encore oui, c’est possible. Mais il faudra alors que cet individu consacre envers lui-même toute l’énergie mise à servir les autres. Faire tout en son pouvoir pour instaurer un nouveau sentiment de sécurité, contourner les doutes pour instaurer le calme intérieur et la joie d’être vivant.

La plasticité du cerveau est la capacité qu’ont les neurones de se modifier tout au cours de la vie. Et le travail en psychothérapie de type corporel permet de libérer son corps et ses réactions des mémoires traumatiques. Ce travail intérieur a pour but de modifier les circuits neuronaux et leurs réactions automatiques à l’évocation d’événements qui autrefois agitaient le mental, les émotions et le corps. C’est le retour au présent. Au présent comme un cadeau offert par la vie. C’est réaliser non seulement qu’on a survécu aux défis de la vie, mais qu’on existe juste au bienfait de respirer.

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